Vies des grands capitaines/Aristide

La bibliothèque libre.
Hachette et Cie (p. 68-74).

ARISTIDE

I. L’Athénien Aristide, fils de Lysimaque, était à peu près du même âge que Thémistocle ; aussi lui disputa-t-il le premier rang dans la cité. Ils s’accusèrent mutuellement ; mais on vit, dans leur rivalité, combien l’éloquence a d’avantage sur la vertu. Quoique Aristide eût acquis par son intégrité le surnom de Juste, titre dont jamais personne, que je sache, n’avait été honoré avant lui, il fut renversé par Thémistocle, et condamné par l’ostracisme[1] à un bannissement de dix années. Sentant l’impossibilité de contenir une multitude soulevée, il céda à l’orage. On dit que, voyant un citoyen notifier son exil, il lui demanda pourquoi il agissait de la sorte, et quel crime avait commis Aristide pour être jugé digne d’une peine si rigoureuse. Cet homme lui répondit qu’il ne connaissait point Aristide, mais qu’il était choqué de ses efforts ambitieux pour se faire appeler Juste de préférence à tous ses concitoyens. Aristide ne subit pas entièrement les dix années d’exil portées par la loi. Six ans après[2], lors de la descente de Xerxès dans la Grèce, il fut rappelé dans sa patrie par un plébiscite. Déjà il avait assisté à la bataille navale de Salamine, avant que sa peine lui fût remise.

II. II fut mis aussi, comme stratège, à la tête des Athéniens, dans la journée de Platées, où Mardonius fut défait, et les barbares taillés en pièces. Ce commandement est le seul grand fait militaire de sa vie ; mais combien d’autres traits signalent son intégrité et sa justice ! Le principal est que, lorsqu’il se trouva sur la flotte commune des Grecs, avec Pausanias[3], qui battit Mardonius, le commandement maritime fut transporté des Spartiates aux Athéniens. Les premiers avaient également commandé jusque-là sur mer et sur terre ; mais alors le caractère emporté de Pausanias et la modération d’Aristide déterminèrent presque tous les peuples de la Grèce à s’unir aux Athéniens et à les mettre à leur tête contre les barbares, afin d’être plus en état de les repousser, s’ils tentaient jamais une nouvelle guerre.

III. Aristide fut chargé de régler la taxe que chaque ville devait fournir pour la construction des flottes et pour la levée des troupes. Ce fut d’après son avis qu’on déposa tous les ans à Delphes quatre cent soixante talents, dont on fit le trésor commun de la Grèce. Tout cet argent fut depuis transporté à Athènes. La preuve la plus certaine de l’intégrité d’Aristide, c’est qu’après avoir présidé à de si grandes opérations, il mourut dans une telle pauvreté qu’il laissa à peine de quoi fournir à ses funérailles. En sorte que ses filles furent nourries, dotées et mariées aux frais du trésor public. Il finit ses jours environ quatre ans après l’expulsion de Thémistocle.


PAUSANIAS

I. Pausanias[4], de Sparte, fut un grand homme, sans doute, mais inégal et inconstant dans toute sa conduite. L’éclat de ses vertus fut effacé par ses vices. Sa bataille de Platées est très célèbre ; ce fut en effet sous sa conduite que Mardonius, Mède de nation, satrape et gendre de Darius, le plus vaillant et le plus habile des généraux de la Perse, à la tête de deux cent mille hommes de pied, tous gens d’élite, et de vingt mille cavaliers[5], fut mis en déroute par une armée peu nom-

  1. Ostracisme, ainsi appelé d'un mot grec qui signifie coquille, parce que c'était sur une coquille que les votants écrivaient le nom de l'accusé. Le bannissement prononcé par l'ostracisme était de dix ans.
  2. D'après Plutarque, Aristide fut rappelé après trois années d'exil.
  3. Pausanias, fils de Cléombrote, était du sang royal de Sparte, et tuteur du jeune roi.
  4. Pausanias, fils de Cléombrote, était du sang royal de Sparte, et tuteur du jeune roi.
  5. Pausanias, fils de Cléombrote, était du sang royal de Sparte, et tuteur du jeune roi.